Documents  Steffens, Martin | enregistrements trouvés : 1

"Nous rêvons d'une vie en rose, et nous voilà avec une vie en bleu, comme les ecchymoses. Comment traverser les épreuves en s'appuyant sur nos forces cachées, voilà ce que nous propose le philosophe."
(Psychologies magazine, décembre 2014, p. 42)

Extrait:
"Nous allons donc tenter de définir un art de vivre l'épreuve. Étant toutefois admis que cet art de vivre doit être un art de vivre: non pas une résignation morbide aux malheurs, mais à l'ouverture à la vie, à toute la vie, dans ses hauts et ses bas. On ne parlerait d'ailleurs pas d'art de vivre, en général, sans les épreuves qu'il nous faut surmonter: c'est parce que toute vie rencontre un jour une dissonance qu'il faut apprendre à improviser à partir d'elle la mélodie de notre bonheur.
Une fois cette idée posée et explorée dans un premier chapitre, nous verrons que cet art de vivre a ceci d'étrange et de passionnant que son premier geste est de se reconnaître vaincu: contre tous les consolateurs professionnels, nous affirmerons que traverser l'épreuve, c'est d'abord ne pas pouvoir le faire. C'est crier, pleurer, se révolter. Et non d'emblée comprendre ou rebondir, comme l'on dit.
Ce n'est donc pas à la Raison ou à la Volonté qu'on peut d'abord faire appel dans l'épreuve, mais à la patience, que nous définirons, au chapitre trois, comme l'abandon confiant à la vie et au temps qui passe. Ce n'est en effet qu'après avoir crié, pleuré, enduré son épreuve que vient le temps du discernement: il s'agira, dans un quatrième chapitre, d'exercer son discernement, de savoir ainsi ce que l'on peut légitimement attendre de la vie, afin de n'être pas inutilement blessé.
Nous sera alors révélée, dans un cinquième chapitre, la logique de l'épreuve: pourquoi elle est finalement nécessaire à la vie. Si tel est le cas, nous comprendrons donc que le premier de tous les combats n'est pas contre l'épreuve mais contre les fausses paix qui nous promettent une vie sans épreuve.
Résumons-nous: crier, attendre, discerner et se battre. Voilà ce que serait voir la vie en bleu. Ce grand programme, toutefois serait incomplet s'il manquait justement l'acte de voir: qu'est-ce que voir la vie en bleu? Notre conclusion se demandera quel regard, lucide mais joyeux, accueillant l'épreuve sans s'y complaire, l'homme peut apprendre à poser sur sa vie, pour lui rendre ses teintes les plus vives et ses couleurs les plus hautes." (p. 20-22)