Documents  Editions Jean-Claude Lattès | enregistrements trouvés : 3

"La médecine peut-elle vous rendre heureux? Si les médecins ne vous guérissent pas, ils vous soignent, de plus en plus souvent, de mieux en mieux, de plus en plus longtemps. Ils améliorent votre confort, votre forme, votre beauté, votre qualité de vie, votre espérance de longévité, mais le véritable bonheur de même que la vraie bonne santé n'existent pas et n'ont jamais existé. Ils sont un leurre entretenu par les exigences des patients et l'ambiguité du discours médical. Depuis que la médecine institutionnalisée a repris le spectre naguère détenu par les mages, les sorciers, les thaumaturges, les rebouteux et les guérisseurs, elle en a conservé et amplifié le discours triomphaliste et trompeur. Elle prospère sur une idée de toute-puissance relayée par les médias et entretenue par l'angoisse des malades.

Le bonheur et la vraie bonne santé exigeraient le maintien d'un équilibre parfait, ce qui constitue une notion beaucoup trop instable et volatile pour exister comme telle tout au long de notre vie. Dans la réalité, nous sommes tous des malades potentiels, des patients en attente de diagnostic, des ex-malades qui craignent la rechute, des futurs malades déjà terrorisés par les inévitables catastrophes qui les guettent ou bien suffisamment inconscients pour continuer à danser sur un volcan...."(p. 8-9)

..."Pour la clarté de l'exposé, l'ouvrage abordera la problématique médicale du bonheur sous trois angles différents mais, en réalité, complémentaires et étroitement imbriqués les uns dans les autres : biologique, psychosomatique et comportemental.

L'aspect biologique détaillera en quoi nous sommes au beau milieu d'une révolution dans la compréhension du fonctionnement du cerveau et des circuits neuronaux qui régissent les humeurs, les émotions et les tempéraments. Parallèlement, nous sommes résolument entrés dans le nouvel âge de la pharmacologie - la science des médicaments - qui permet d'élaborer de nouvelles molécules destinées à produire des effets spécifiques sur notre humeur, notre personnalité et notre vision du monde et de nous-mêmes. Les antidépresseurs et les anxiolytiques en sont des exemples dont l'usage se répand largement, et l'histoire de leur découverte, de leurs effets, de leurs perspectives métrite d'être racontée. Leurs descriptions, leurs évaluations, leurs indications et contre-indications, leurs inconvénients et leurs effets secondaires mais aussi mon appréciation personnelle seront explicités.

L'aspect psychosomatique dira comment , au-delà des substances actives apportées de l'extérieur, l'homme peut être son propre remède, son meilleur médicament. S'il est devenu courant d'affirmer que la plupart des maladies sont en rapport avec la somatisation, si l'individu a la faculté de se rendre malade, il a certainement aussi celle de se guérir. Nous verrons comment l'homme a en lui toutes les substances dont il a besoin pour se soigner, se maintenir en bonne santé et accéder à la sensation de bien-être. Mettre au travail le médecin qui est en nous, au moyen des psychothérapies, des mécanismes d'autoguérison, des techniques cognitives et de visualisation, de la relaxation, de l'hypnose et des thérapies psycho-corporelles, fait désormais partie des procédés de soins et préfigure ce que sera la médecine du bonheur.

L'aspect comportemental vous apprendra comment cesser de faire vous-même votre propre malheur. Si vous avez échoué à trouver le bonheur dans la quête obstinée de relations affectives satisfaisantes, dans la course à la richesse ou à la gloire, dans l'aide ponctuelle qu peuvent vous apporter les médicaments, voire les drogues licites ou non, il est temps d'acquérir les attitudes positives qui permettront de vivre plus heureux. Croire en la vie, accepter de demander de l'aide, savoir que ce qui fait mal peut faire du bien, rester calme, avancer quoi qu'il arrive, traiter les autres comme vous voudriez qu l'on vous traite et apprendre à faire la paix avec vous-même seront autant de petits pas dans cette voie.

La conclusion de ce livre s'impose à mes yeux et fera se poser une vraie question, à savoir : fuir la douleur et la tristesse, se protéger du chagrin, éviter les sautes d'humeur, est-ce suffisant pour accéder au bonheur permanent ou s'agit-il là d'une utopie?

Sans répondre directement, j'espère démontrer ici, grâce aux enseignements des neurosciences, qu'il existe un niveau de bonheur, variable d'une personne à l'autre en fonction des gènes, du vécu et du psychisme de chaque individu. En somme, comprendre pourquoi certains, sans aide extérieure apparente, sont déjà à leur niveau optimal de bonheur permet au médecin d'aider les autres à y accéder." (p. 13-14)